Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/326

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morceau par morceau, d’une manière supérieure, mais elle n’était supérieure chaque jour qu’à un endroit, où elle ne l’était plus le lendemain.

19 novembre. — Eugène Giraud nous racontait que Sainte-Beuve, pour se préparer à la charge qu’il en a faite à une soirée de Nieuwerkerke, avait pris l’étonnante précaution de prendre un lavement, afin, disait-il très sérieusement, d’avoir le teint plus frais.

20 novembre. — Perpétuelle émotion que cette vie de théâtre ! Aujourd’hui, quand tout semble gagné, Thierry nous dit que la censure est dans la plus grande animation contre la pièce, qu’elle conclura peut-être à l’interdiction.

22 novembre. — Je sors navré de chez Gavarni. Mlle Aimée me raconte qu’on est dans la misère la plus affreuse, que ce sont tous les jours des scènes effroyables de fournisseurs. Il serait déjà expulsé de la maison qu’il a achetée 260 000 francs, si M. Trélat n’était mort. Par là-dessus des dettes, qu’on croyait éteintes, renaissent. Un menuisier a surgi avec un compte de 15 000 francs pour des fournitures impossibles, pour des portes qui étaient de la pure ébénisterie. Malgré son apparente indifférence, il y a des moments, où Gavarni se rend compte de sa position. Il lui est échappé de dire à Aubert « qu’il ne connaissait pas dans le monde un homme dans une position plus terrible que la sienne » !