Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/38

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une orange, les yeux d’un bleu clair et aigu, la peau extrêmement fine et laissant voir le réseau sous-cutané des veines, la tête — c’est bizarre — la tête d’un de ces jeunes prêtres émaciés et extatiques, entourant les évêques dans les vieux tableaux. Un élégant jeune homme ayant un peu de raideur dans les bras, et les mouvements de corps, à la fois mécaniques et fiévreux d’une personne attaquée d’un commencement de maladie de la moelle épinière, et avec cela d’excellentes façons, une politesse exquise, une douceur de manières toute particulière.

Il a ouvert un grand meuble à hauteur d’appui, où se trouve une curieuse collection de livres érotiques, admirablement reliés, et tout en me tendant un MEIBOMIUS, Utilité de la flagellation dans les plaisirs de l’amour et du mariage, relié par un des premiers relieurs de Paris avec des fers intérieurs représentant des phallus, des têtes de mort, des instruments de torture, dont il a donné les dessins, il nous dit : « Ah ! ces fers… non, d’abord il ne voulait pas les exécuter, le relieur… Alors je lui ai prêté de mes livres… Maintenant il rend sa femme très malheureuse… il court les petites filles… mais j’ai eu mes fers. » Et nous montrant un livre tout préparé pour la reliure : « Oui, pour ce volume j’attends une peau, une peau de jeune fille… qu’un de mes amis m’a eue… On la tanne… c’est six mois pour la tanner… Si vous voulez la voir, ma peau ?… Mais c’est sans intérêt… il aurait fallu qu’elle fût enlevée sur une jeune fille