Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/61

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édilité. Se tournant vers Claudin qui vient de s’asseoir à sa table : « Toi tu aimes cela… tu es un civilisé. Mais nous, nous trois, avec quatre ou cinq autres, nous sommes des malades… des décadents… non, plutôt des primitifs, non, encore non, mais des particuliers bizarres, indéfinis, exaltés. Il y a des moments, oui, où je voudrais tuer tout ce qui est : les sergents de ville, M. Prudhomme, M. Pioupiou, toute cette cochonnerie-là… Claudin, vois-tu, je te parle sans ironie, je t’envie, tu es dans le vrai. Tout cela tient à ce que tu n’as pas comme nous le sens de l’exotique. As-tu le sens de l’exotique ? Non, voilà tout… Nous ne sommes pas Français, nous autres, nous tenons à d’autres races. Nous sommes pleins de nostalgies. Et puis quand à la nostalgie d’un pays se joint la nostalgie d’un temps… comme vous par exemple du XVIIIe siècle… comme moi de la Venise de Casanova, avec embranchement sur Chypre, oh ! alors, c’est complet… Venez donc, un soir, chez moi. Nous causerons de tout cela longuement. Nous serons, tour à tour, chacun de nous trois, Job sur son fumier avec ses amis. »

Et puis à propos de Psyché, dont il a donné l’idée de la reprise chez Jeanne Destourbet, dans une causerie avec le prince Napoléon, reprise qu’il voulait tourner vers la résurrection du côté inconnu de Molière, maître de ballets, arrangeur de divertissements, Gautier se met à rejuger le Misanthrope, une comédie de collège de Jésuites, pour la rentrée des classes : « Ah ! le cochon ! quelle langue ! est-ce mal