Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/93

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celle de la princesse, avec la succession d’impressions de toutes sortes qui la traversent, et avec ces yeux indéfinissables, tout à coup dardés sur vous et vous perçant. Son esprit a quelque chose de ce regard. C’est tout à coup une saillie, une échappade, un mot, peignant à la Saint-Simon, une chose ou quelqu’un. C’est ainsi qu’elle définit je ne sais plus qui, par cette phrase : « Un monsieur qui a sur les yeux la buée d’un tableau ! »

29 janvier. — Des phrases menteuses, des mots sonores, des blagues, voilà à peu près ce que nous discernons chez tous les hommes politiques de notre temps. Les révolutions, un simple déménagement avec l’emménagement des mêmes ambitions, corruptions, bassesses dans l’appartement quitté, — et cela se faisant avec de la casse et de grands frais.

De morale politique, point. Je cherche autour de moi une opinion qui soit désintéressée, je n’en trouve pas. On se risque, on se compromet pour des chances de places futures, on se dévoue pour un parti qui représente l’avenir. Ainsi de tous les hommes que je vois. Si un sénateur a les opinions de ses appointements, mon jeune ami *** est attaché aux d’Orléans, parce qu’il a une sorte de promesse d’être quelque chose, s’ils reviennent. À peine y a-t-il deux ou trois fous, deux ou trois enthousiastes gratis dans un parti, et si le hasard vous les fait rencontrer, c’est bien extraordinaire, si vous ne vous apercevez pas que ce sont des imbéciles.