Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cupée, et joliment boulotte, rappelle la Doudou de Byron. De la comtesse Primoli, se tenant au fond de l’atelier, on voit la raie nette dans ses beaux cheveux noirs, et un bout de front penché sur un livre. La muette Mme Benedetti s’arrête de temps en temps dans sa tapisserie, et prend un repos, avec un regard vague devant elle. Le gros Primoli passe, jetant une égrillardise dissimulée dans de l’italien, et s’en va.

Mais voici le maire de Saint-Gratien arrivant, accompagné de Charles Blanc, qui déroule et lit un factum contre le chemin mortuaire d’Haussmann. La princesse s’anime, fulmine, devient rouge… Hébert continue à donner, du bout de ses longs et fins pinceaux, des caresses, au visage furieux de la princesse. Et les heures passent.

Mardi, 17 septembre. — En flânant dans les serres de Saint-Gratien, nous pensions à tout ce que ces plantes originales pourraient apporter d’imagination créatrice à l’industrie, à la mode. Quelle source de renouvellement pour nos soieries de Lyon ! Quelle révolution à faire dans l’académique des dispositions d’étoffes, dans cette abominable géométrie, de notre goût. Ici, quelle fantaisie, quel imprévu de taches et de couleurs. C’est le naturisme heureux et libre, et sans règle pédante, de l’art chinois, de l’art japonais, de ces arts calomniés comme arts fantastiques et qui n’ont besoin que de cueillir une feuille, que je vois là-bas, pour en faire, sous les doigts d’un