Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/187

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manger des femmes, des chats. Et il cite l’exemple de Saint-Évremont s’entourant, à mesure qu’il vieillissait, de bêtes, d’animaux… et d’hommes, ajoute-t-il en souriant, pour faire plus de vie autour de lui. « Ah ! si j’avais eu là, à l’hôpital, un maître, mais c’était Richerand, un charlatan… »

Là-dessus le docteur Phillips, avec sa grosse tête dans les épaules, ses yeux saillants, sa personne ankylosée, se met à parler chirurgie, opérations, nous entretient de Roux, cet artiste du pansement qui tuait ses malades par la coquetterie de ses bandes. La princesse l’interrompt, en lui jetant au nez la barbarie des chirurgiens, leur insensibilité, le peu d’émotion qu’il faut qu’ils aient… « Si, riposte Phillips, j’en ai beaucoup, mais seulement pour les enfants… Ces pauvres petits êtres auxquels on ne peut pas faire comprendre que c’est pour leur bien… Oh ! cela est horrible… » Puis après un silence : « Voyez-vous, dans notre métier on ne voit plus que la science… la science c’est si beau… Mais il me semble que je ne vivrais plus, si je n’opérais plus… C’est mon absinthe ! »

Et la fatalité de cette conversation, ce qui planait dans cet intérieur, la fin prochaine de l’hôte qui nous recevait, avaient jeté tous les dîneurs dans une triste songerie.

— Vie d’enfer tout ce mois de novembre : publier un livre, arranger un appartement, avoir affaire à tous les corps de métier, ranger une bibliothèque,