Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/204

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Rome, pour continuer à y être, à nous y promener les yeux.

24 février. — Il y a juste vingt ans, vers une heure, du balcon que nous avions, rue des Capucines, je vis le chaudronnier d’en face, grimper très vite sur une échelle, et abattre à coups de marteau pressés, les mots du Roi qui suivaient le mot Chaudronnier. Alors nous avons été aux Tuileries. Auprès du bassin, près du pavillon de l’Horloge, il y avait une tête de chevreuil coupée par terre, et une amazone de l’Hippodrome qui caracolait à cheval. La statue de Spartacus avait un bonnet rouge et un bouquet à la main. L’horloge était arrêtée. Et au grand balcon, un vainqueur, dans la robe de chambre de Louis-Philippe, singeait, caricatural comme un Daumier, le salut de sa vieille phrase : « C’est toujours avec un nouveau plaisir… » Aujourd’hui, en repassant rue des Capucines, je regarde par hasard l’enseigne, et je lis, à la place de « Chaudronnier du Roi » : Chaudronnier de l’Empereur.

— Les objets d’art aujourd’hui ressemblent aux souliers et aux paquets de chandelle du Directoire. Ce n’est plus l’objet qui tient aux entrailles, la chose inaliénable des collectionneurs d’autrefois ; c’est une valeur qu’on se passe de main en main, une circulation de plus-value entre brocanteurs millionnaires,