Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/210

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l’Infini ! qu’est l’homme ? Rien. Alors, conçoit-on un ciron incestueux, criminel ?

— En sortant d’une maison, où nous avions dîné gaiement ensemble, le fin et discret observateur qu’est Viollet-le-Duc, me disait, et sa remarque était parfaitement juste : « Il faut, pour qu’une soirée soit agréable, que la maîtresse de maison ait un amant et que cet amant ne soit pas là. »

15 avril. — Rue de Courcelles. Le salon est en verve ce soir. Parmi les dîneurs, deux revenants : Gautier très pâle, ses yeux de lion encore plus affaissés ; Claude Bernard, qui a le masque d’un homme qu’on a retiré de son tombeau… Et la conversation s’en va au mariage moderne, ce mariage sans cour, sans flirtation aucune, ce mariage brutal, cynique que nous appelons un viol par-devant le maire, avec l’encouragement des parents. Un moment l’on parle de l’embarras pudique de la jeune fille jetée dans le lit du mari, et là-dessus, une des dîneuses dit avoir entre les mains un curieux autographe : les instructions, par la poste, d’une mère absente, à sa fille…

Au fumoir, Théophile Gautier m’entretient de sa fille Judith, de son roman chinois paraissant dans la Liberté, qu’il trouve « du Salammbo sans lourdeur ». Il me dit que c’est la plus étonnante créature du monde, un cerveau merveilleux, mais un cerveau