Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/322

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en un moment d’irritation maladive, dont je ne suis plus le maître : « Eh bien ! princesse faites-vous juive ! » Là-dessus un silence et les convives devenant pâles. La phrase était impolie, malhonnête, grossière, et aussitôt dite, j’en fus au plus grand regret.

Au sortir du déjeuner, comme je lui faisais mes excuses, en lui témoignant la profonde affection que j’avais pour elle, et que, malgré moi, en le bête état nerveux où je suis, des larmes tombaient de mes yeux sur ses mains que je baisais, mon émotion la gagnant, elle me prit dans ses bras, et m’embrassant sur les deux joues me dit : « Mais comment donc !… oui, je vous pardonne… vous savez bien que je vous aime !… Moi aussi, depuis quelque temps, avec les choses qui se passent en politique, je me sens dans un état nerveux… »

Et la scène finit dans la douceur d’un silence ému, où se retrempe et se resserre l’amitié.

M. de Sacy racontait, ce matin, que lorsqu’on apprit au général Sébastiani l’assassinat de sa fille, Mme de Praslin, le général arrêta celui qui lui apportait la nouvelle, par un : « Ah ! un moment… que cela n’atteigne pas ma santé ! »

— Quelqu’un disait à un Breton, qui était en train de se faire bâtir une maison en grès, la pierre ordinaire des maisons bretonnes :