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Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/338

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toutes sortes d’aimables enfantillages qui me disaient tendrement : « Voyons, es-tu content, je vais mieux, je suis en train, et n’est-ce pas, je ne suis pas encore si bête ? »

Et tout le long du chemin, c’était un réveil de son plus fin et de son plus caustique esprit, à l’encontre des bandes de bourgeois que nous traversions : « Mais tu ne dis rien, me jeta-t-il, après un mot charmant sur un couple de vieilles amours, ça te fait de la peine de me voir comme ça, hein ? » Je ne répondais presque pas, tout occupé à savourer mon bonheur, et hébété, comme si j’assistais à un miracle. Mon Dieu ! si cela pouvait continuer, durer… mais j’ai eu de si terribles déceptions, après des journées pleines de promesses !

Il ne veut plus aller nulle part, il ne veut plus se montrer aux gens, « il a honte de lui », m’a-t-il dit.

Le tact, c’était son lot. Nul n’avait été organisé plus délicatement pour l’exercice de cette faculté, à la fois d’instinct et de raisonnement. Cette faculté si hautement aristocratique chez lui, il la perd. Il ne possède plus les gradations de la politesse, selon l’échelle sociale des gens avec lesquels il se rencontre, il ne possède plus les gradations de l’intelligence, selon la