Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/360

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les creux et les ombres des yeux et de la bouche, le décharnement presque instantané, me montrant, dans sa chair aimée, la sculpture rigide de la mort.

10 heures du matin. — Toutes les secondes, je les compte par ces douloureuses aspirations d’une respiration brève, haletante.

L’expression de son visage, sous sa couleur dorée et enfumée, prend avec les minutes, de plus en plus l’expression d’une tête du Vinci ; et dans les traits de sa figure, je retrouve le mystère des yeux et l’énigme de la bouche de ce jeune homme, qui se trouve, dans je ne sais quel vieux et quel noir tableau d’un musée d’Italie.

À cette heure je maudis la littérature. Peut-être, sans moi, se serait-il fait peintre, et doué comme il l’était, il aurait fait son nom, sans s’arracher la cervelle… et il vivrait.

Entre deux êtres qui se sont aimés comme nous, la séparation éternelle, sans la reconnaissance d’une seconde, sans un serrement de main, sans un adieu du mourant au vivant.