Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/87

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même pas… Enfin un jour arriva où l’Empereur me dit : “Pourquoi ne me faites-vous pas vos confidences ce soir ?” Et comme je ne voulais pas parler, il ajouta : “Quand vous aurez besoin de moi, vous me trouverez toujours, adressez-vous directement à moi par le comte Orloff.” »

La princesse laisse glisser tout ça d’elle, mot par mot, rêveusement, au milieu de silences où il semble que vont s’arrêter ses confessions, touchant d’une main distraite des choses sur la table, laissant tomber et errer ses yeux sur le tapis. En causant, elle a oublié l’heure, elle qui se couche de bonne heure, et soudain elle s’étonne de voir qu’il est minuit un quart.

Ah l’histoire ! l’histoire ! Je pensais au terrible portrait du czar que m’a fait Herzen. Et peut-être que les deux portraits sont vrais.

17 octobre. — La princesse a la tête en l’air. Elle n’a pas dormi. Elle veut faire un jardin d’hiver. On pose des piquets. Et, allant et venant, elle nous raconte la création successive de cette propriété ; les 18 arpents primitifs devenus 82 arpents, l’acquisition de Catinat, les 9 arpents à conquérir pour la carrer.

Nous la retrouvons dans la vérandah, assise devant un petit bureau, la tête appuyée sur la main, regardant amoureusement une chose que nous ne voyons pas d’abord. Il y a près d’elle un gros homme en frac, gilet, pantalon noirs, les mains gantées de blanc, trois