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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/253

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furieux, toute la fin de la journée. Le soir, pas de journaux. Je vais à Passy, aux nouvelles. Passy a l’aspect d’une sous-préfecture, à cent lieues de Paris, dans l’émotion d’une révolution de la capitale, dont elle ne sait rien.

Je pousse au Trocadéro. Là, un monsieur désignant, dans la nuit, trois silhouettes lointaines, me dit que l’un de ces hommes l’a pris par la main, et a cherché à l’entraîner : « Vous concevez, me dit-il, ce sont de mauvais soldats débandés, ils savent qu’il n’y a plus de punition, ils sont capables de vous assommer pour attraper quelque chose. »

Je retourne à Passy, où retentit l’appel prolongé du clairon avec le tapotement pressé de la générale. Un jeune homme raconte, dans un groupe, qu’à la place de la Concorde, les bataillons du Comité ont tiré sur une manifestation de l’Ordre, sans armes, qu’il y a une dizaine de tués et de blessés, qu’il a relevé lui-même de Pène, blessé à la cuisse.

Jeudi 23 mars. — La générale, toute la journée. Je trouve le second arrondissement en armes. Chaque rue est gardée par les hommes du quartier. Le chef d’une forte reconnaissance qui va prendre position, place de la Bourse, jette en passant : « Nous venons de désarmer un poste. »

J’entre un moment chez Burty. Un officier de garde nationale examine l’appartement, le balcon dominant le boulevard. Il demande qu’on laisse ouvertes