Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/276

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est vide. Deux étrangères seules sont assises à la porte.

Vraiment, la cervelle humaine est dans ce moment détraquée, comme le reste. Il y a entre autres de prétendues idées fortes, qui font dire aux plus intelligents des bêtises grosses comme des maisons. Mon ami, aux opinions sang de bœuf, soutenait, ce soir, que tout doit s’incliner devant l’instinct des masses. Les instinctifs, — c’est ainsi qu’il les appelle, — sans conscience du sentiment qui les mène, doivent commander une obéissance, qui n’est pas due à la science, à la connaissance, à l’étude, à la réflexion. C’est vraiment une déclaration de droits en faveur de l’inintelligence, un peu trop énorme.

Vendredi 14 avril. — Je suis réveillé par cette nouvelle, que me donne, ce matin, Pélagie. Une affiche force tous les hommes, quelque âge qu’ils aient, à marcher contre les Versaillais, et l’on parle avec terreur, à Auteuil, de la chasse, qui va être faite dans les maisons, aux réfractaires.

Au fond, il n’y a pas à se le dissimuler, les choses vont bien lentement, si elles ne vont pas mal. Voici deux ou trois tentatives qui n’ont pas réussi contre Vanves et Issy, et les fédérés semblent passer de la défensive à l’offensive, du côté d’Asnières.

Samedi 15 avril. — Je jardinais ce matin. J’entends le sifflement de plusieurs obus. Deux ou trois éclats