Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/34

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mouvement, cette animation, cette gaieté du soldat français prêt à partir pour la mort, quand la voix cassée d’un vieux petit bonhomme bancroche et hoffmannesque jette ce cri : « Des plumes, du papier à lettres ! » Un cri poussé sur une note étrange et qu’on dirait un memento funèbre, une espèce d’avis discrètement formulé, mais voulant dire : « Messieurs les militaires, si on songeait un peu à son testament ? »

31 août. — Ce matin, au point du jour, commence la démolition des maisons de la zone militaire, au milieu du défilé des déménagements de la banlieue, qui ressemble à la migration d’un ancien peuple. Des coins étranges de maisons à moitié démolies, avec des restants de mobiliers hétéroclites : ainsi une boutique de coiffeur, dont la façade béante montre, oubliée, la chaise curule, où les blanchisseurs se faisaient faire la barbe, le dimanche.

2 septembre. — J’accroche, au sortir du Louvre, Chennevières qui me dit partir demain pour Brest, afin d’escorter le troisième convoi des tableaux du Louvre, qu’on a enlevés des cadres, qu’on a roulés, et qu’on envoie, pour les sauver des Prussiens, dans l’arsenal ou le bagne de Brest. Il me peint le triste et humiliant spectacle de cet emballage, et Reiset, pleurant à chaudes larmes, devant « La Belle Jardi-