Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/66

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l’exercice, fait tout autour du cimetière par la mobile.

Nous sommes, ce soir, en petit nombre chez Brébant. Il y dîne Saint-Victor, Charles Blanc, Nefftzer, Charles Edmond. On cause de la lettre de Renan à Strauss. Saint-Victor nous entretient de la correspondance de l’Empereur, qu’on va publier, et sur laquelle Mario Proth, le secrétaire de la commission, lui a donné quelques renseignements. Il existe, à ce qu’il paraît, une lettre d’un nom connu de l’opposition, qui demande à l’Empereur de lui payer 100 000 francs de dettes… — « Très bien, dis-je, si on publie toutes les lettres, et si des connaissances, des relations, des amitiés, n’exemptent pas les uns du déshonneur, infligé aux autres ! » — « Vous concevez, c’est bien difficile, me répond-on. Il y a déjà le dossier Bazaine, qu’a fait enlever le parrain des enfants du maréchal… » Je pense en moi-même à la justice de l’Histoire.

La conversation retombe sur la défense de Paris, et tous les convives montrent un grand scepticisme à l’endroit de la solidité de la défense, de l’héroïsme de la mobile, du succès des barricades.

— « Oh ! oh ! fait la grosse voix raillarde de Nefftzer : de l’héroïsme patriotique, il y en aura à revendre… Vous ne savez donc pas qu’il y a des gens qui veulent faire sauter Paris, j’en connais un, je vous en préviens, oui, un rédacteur du Réveil doit faire sauter Paris avec soixante tonneaux de pétrole… Il dit que cela suffit. »

Et l’ironie de Nefftzer gagnant la table, prise comme d’un besoin de se soulager dans des paroles amères,