Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les dernières huîtres hier, et il n’y a plus en fait de poisson que de l’anguille et des goujons.

En sortant du Pied de mouton, je traverse les Halles, toutes retentissantes du bruit tonnant du déchargement des provisions, mêlé au bruit grêle des baguettes tombant dans les fusils à pistons des gardes nationaux, et je rencontre Charles Blanc en compagnie de Chenavard, qui me rappelle Rome, et me fait revoir le dos mélancolique, qu’il promenait parmi ses ruines.

Charles Blanc, s’étant présenté à la mairie pour se faire inscrire avec son frère, est très animé contre le maire, qui, dans l’ignorance du nom des illustres enrôlés, lui a demandé bêtement s’ils étaient armés.

Partout sont appliquées aux murs de grandes bandes de toile blanche, aux croix rouges des ambulances, que quelquefois surmonte à une fenêtre une tête de militaire, enveloppée d’un linge taché de sang.

Dimanche 25 septembre. — Les deux berges de la Seine pleines de chevaux de cavalerie, et de jambes nues de mobiles se lavant dans les remous, faits par le passage incessant des mouches. — Toujours de placides pêcheurs à la ligne, mais aujourd’hui coiffés d’un képi de garde national. — Les fenêtres des galeries du Louvre sont blindées avec des sacs de sable. — Dans la rue Saint-Jacques, les femmes, par groupes de deux ou trois, causent, avec des voix plaintives, du renchérissement des denrées. — Le