Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/83

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dans une harmonie de coloriste blond, les choses luisantes de la guerre et les fourmillements multicolores des foules.

 

Les hommes qui nous gouvernent sont médiocres, par cela même raisonnables. Ils n’ont pas assez le sentiment du téméraire, et ne se doutent pas de la possibilité de l’impossible, dans des temps comme ceux-ci. Qu’est-ce, au fond, que nos sauveurs, un général beau parleur, un littérateur distingué, un procureur onctueux, enfin une copie bourgeoise de Danton ?

 

Jamais Paris n’a eu un mois d’octobre pareil. La nuit claire, semée d’étoiles, est pareille à une nuit du Midi.

Mardi 4 octobre. — Le bombardement s’annonce. Hier on est venu s’informer, chez moi, si j’avais de l’eau à tous les étages.

Contre le trottoir, les pieds dans le ruisseau, debout, immobile, ne voyant rien, n’entendant rien, inattentive aux voitures qui la frôlent, une vieille femme de la campagne, sous son bonnet de linge en forme de tuile, est enveloppée, en sa rigidité de pierre, de plis semblables aux dalles tumulaires de Bruges. Elle porte en elle une si grande douleur stupéfiée, que je m’approche d’elle, et lui parle. Alors, cette femme, lente à revenir de sa rêvasserie à la réalité, d’une voix, qui est comme une plainte de malade,