Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/96

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trois becs sont seulement allumés pour la circonstance.

Les gens, qui dansaient là, dans les temps calmes, y légifèrent aujourd’hui. L’orchestre aux musiciens est la tribune, qu’occupent, de noir habillés, les austères membres du bureau et les orateurs inscrits, ayant devant eux, sur le bois de la balustrade, où hier reposaient les manches des basses, la carafe parlementaire.

Dans le nuage bleuâtre fait par les pipes, sur les banquettes, ou placés face à face sur les petites tables de la consommation, sont assis des gardes nationaux, des mobiles, des philosophes de banlieue, roux depuis le dessus de leurs chapeaux jusqu’à l’empeigne de leurs souliers, des ouvriers en veste bleue et en képi. Il y a des femmes du peuple, des filles, des jeunesses en capuchon rouge, et même des petites bourgeoises, ne sachant en ce temps où passer la soirée.

Soudain un coup de sonnette, cette sonnette avec laquelle le peuple aime à jouer, comme un enfant, à la Chambre des députés. Tony Révillon se lève, annonce la fondation du club de Montmartre, destiné à fonder la liberté, et logiquement, ainsi qu’il le déclare, à détruire la monarchie, la noblesse, le clergé. Puis il propose à la salle de lui lire le numéro du Journal de Rouen, paru dans la Vérité de ce soir. C’est touchant de voir combien ces troupeaux d’hommes sont dupes de l’imprimé et de la parole, combien le sentiment critique leur fait merveilleusement