Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/156

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――――――― Il est des maris de ce temps, qui traitent leurs femmes comme des filles. Ils combattent leur répulsion par des cadeaux, et triomphent à la longue de l’antipathie de ces pauvres et faibles créatures, en développant et encourageant chez elles, des désirs de cocottes qu’ils satisfont, à l’instar des riches entreteneurs.

Mardi 18 août. — Lucerne. Rien de douloureux, dans ces pays limitrophes de la France, comme un dîner de table d’hôte, ce dîner jusqu’à ce jour, où régnait le Français par le droit de la grâce, de l’esprit, de la gaîté ! Aujourd’hui, à peine notre langue se susurre-t-elle tout bas, et au haut bout, l’on voit, comme ce soir, un Prussien en uniforme, tout militaire et tout raide, à cette place d’honneur. Le Français en est à regretter ces files de muets gentlemen et de caricaturales ladies, qui ont cédé la place à l’invasion des touristes allemands, et à leur grossière émancipation par le monde.

Mercredi 19 août. — Dans le voyage en bateau à vapeur, le long des berges du lac des Quatre-Cantons, à chaque crique, à chaque débarcadère, toutes ces estacades, tous ces balcons, toutes ces avances, toutes ces balustrades, que peuplent au milieu de