Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/158

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où, après dîner, l’on vous gratifie d’une vraie cascade, illuminée de feux de bengale.

Samedi 22 août. — Ce matin, l’embarcadère de Giessbach s’offrait aux regards, comme le plus charmant tableau de genre, comme un tableau digne de la touche spirituelle de Knaus. Une montagne de malles et de sacs de nuit, une vieille calèche au velours rouge passé, des chaises à porteurs sur lesquelles étaient renversées des fillettes en robe blanche, les mollets à l’air : tout un capharnaüm de choses accidentées de jolis petits détails linaires, de jolis petits tons.

Au poing, le bâton à la corne de chamois, et dans le harnachement de cuir soutenant à la ceinture, la lorgnette, l’album, l’éventail, l’ombrelle, de jeunes voyageuses se tenant debout, tout aériennes dans le voltigement de leur voile de gaze, autour de la figure.

Il ne faut pas oublier, en un coin, un groupe de Suissesses, au corsage de linge blanc, silencieuses, les bras croisés sur la poitrine. Elles formaient un cercle de femmes, se regardant avec des regards vagues, et un peu exaltés, — les regards qu’elles ont à l’église.

Soudain du milieu d’elles, un chant s’est élevé, un chant triste, comme une mélancolie de montagne. Et sans s’occuper de ceux qui étaient là, et comme pour se faire plaisir à elles-mêmes, toutes à leur chant, ces femmes ont continué à vous remuer douloureu-