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rie est un art perdu. Ce n’est plus qu’une laborieuse imitation terne et noire de la peinture.

Dans les tapisseries modernes, exposées là, il ne se trouve plus rien de cet art particulier, de cette création conventionnelle, qui faisait des tableaux de laine et de soie, d’après des lois et une optique, qui ne sont ni les lois ni l’optique de la peinture à l’huile.

Mardi 15 septembre. — Départ pour Bar-sur-Seine.

Pendant les heures lentes du voyage, je pense qu’il y a, cette année, quarante ans que je viens, tous les automnes, passer un mois dans cette maison de famille. Je me revois à mon premier voyage. J’avais douze ans, quand mon cousin, le père de celui-ci, à la descente de la diligence de Troyes, m’acheta une blouse blanche, pour mettre sur mes vêtements de petit parisien. Quel mois accidenté, que ce mois ! Tout d’abord pour mes débuts, je tombai à la Seine, où je pensai me noyer, et quelques jours après, je me faisais éclater dans les mains, une poudrière, — heureusement en carton, — et mille autres imprudences.

C’est curieux, tout ce feu, toute cette exubérance, tout ce diable au corps, toute cette activité violente, s’étaient envolés de mon individu, quand je revins, l’année suivante. J’étais devenu un jeunet sérieux, très peu remuant, presque triste, et qui, couchant