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empêcher. Ce délire, c’était une espèce de course folle dans tous les magasins de bibelots de Paris, où j’achetais tout, tout, tout, — et l’emportais moi-même.

Il y avait aussi, dans mon esprit troublé, une déformation de ma chambre, devenue plus grande, et descendue du premier au rez-de-chaussée. Je me disais que c’était impossible, et cependant je la voyais telle. Un jour, je fus intérieurement très agité, il me sembla que le sabre japonais, qui est toujours sur ma cheminée, n’y était plus : je me figurais que l’on redoutait un accès de folie de ma part, que l’on avait peur de moi.

Dans ce délire, toujours un peu conscient, l’homme de lettres voulut s’analyser, s’écrire. Malheureusement les notes, que je retrouve sur un calepin, sont complètement illisibles. Je ne puis en déchiffrer qu’une seule. (Nuit du 28 décembre.) — « Je ne peux, je ne sais plus dormir, quand je le veux absolument et que je ferme les yeux, il se présente devant moi, une feuille blanche avec un encadrement et une grande lettre ornée : une page toute préparée pour être remplie, et qu’il faut que je remplisse absolument. Celle-ci écrite, une autre se présente, et encore une autre et toujours ainsi. »

Vendredi 22 janvier. — C’est paradoxal vraiment, le prix des choses. J’ai là devant moi un bronze ja-