Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/220

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Puis, soudainement, au milieu de ces grandes affaires, il est repris du désir de revivre de la vie de sa secte, et il part, emmenant sa mère : lui pour scier du bois, elle pour faire des blanchissages. Car dans ce petit monde, tous et toutes doivent travailler de leurs mains.

Dimanche 21 mars. — Alphonse Daudet habite, au Marais, l’hôtel Lamoignon. Un morceau de Louvre, que cet hôtel, tout peuplé, — en ces nombreux petits logements, débités dans l’immensité des anciens appartements, — d’innombrables industries, qui mettent leurs noms, sur les paliers de pierre des escaliers. C’est bien là, la maison qu’il fallait habiter pour écrire Fromont jeune et Risler aîné, une maison, où, du cabinet de l’auteur, on a devant soi de grands et mélancoliques ateliers vitrés, et de petits jardins plantés d’arbres noirs, dont les racines poussent dans des conduits de gaz : de petits jardins aux cailloux verdissants, à l’enceinte faite de caisses d’emballage.

Daudet, qui demeure en ce vieil hôtel, depuis sept ans, me dit que cette maison a été bonne pour lui, qu’elle l’a calmé, assagi. Il a eu une jeunesse fiévreuse, une jeunesse aimant les coups, les trimballements dans les milieux canaille, une jeunesse qui a longtemps gardé, selon son expression, les vagues retardataires, les dos de monstres de la mer après