Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/261

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Entre autres choses, Thiers lui avait raconté son ministère, et tout ce qu’on cachait au maréchal Soult, et tout ce qu’on faisait en dehors de lui. Enfin, un jour, à propos de je ne sais quoi de patricoté sans sa participation, le maréchal furieux se rendit chez le Roi. « J’étais averti, dit Thiers, et ma voiture suivit de près la voiture du maréchal… Dans les affaires, voyez-vous, Gambetta, il faut toujours avoir une figure de bonne humeur… Retenez cela, Gambetta, ça vous servira… La porte du Roi était fermée pour tout le monde. Je la forçai, et au moment où je passai la figure que je vous disais, par la porte entr’ouverte, le Roi en conférence avec Soult, me jeta : “Tout est arrangé…, on a pleuré !” »

Le roi Louis-Philippe, on le voit, était digne de son compère Thiers.

On parla ensuite entre Thiers et Gambetta des élections. Et Thiers se récriait sur les noms qu’il lui avait fallu voter… « Vous m’avez fait voter pour Lorgeril, pour celui qui m’a toujours si maltraité, oui, pour celui qui m’a appelé le Mal… Car j’ai été fortement maltraité dans ma vie… Savez-vous que j’ai mille cinq cents caricatures, parues contre moi… Mme Dosne en a fait la collection… Je les regarde quelquefois, ça m’amuse… Il y en a de drôles, une entre autres où je suis en dragon — c’est déjà assez singulier d’avoir fait de moi un dragon — et je suis couché sur un fumier avec trois cochons… vous voyez d’ici la légende. »

Puis parlant de la journée, Thiers dit au tribun