Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/279

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des estampes fraîches, comme si on les apportait du tirage. Il y avait, entre autres, La Comparaison, d’après Lawreince, dont Dauvin demandait, il y a quelques mois, 1,500 francs. Ces six gravures valaient, au bas mot, pour un marchand, 2,000, 2,500 francs.

Un silence, où, après toutes sortes de batailles intérieures, et avec la voix balbutiante qu’a la canaillerie dans une affaire, et cachant, sous le masque de l’imbécillité, le chaffriolement de ses traits, le marchand dit : — « Mais je vous en donne 120 francs. » — « Il me semble que c’est bien bon marché, reprit le jeune homme, est-ce que je ne pourrais pas en avoir 150 francs, dont j’ai absolument besoin ? »

Je me tenais à quatre, pour ne pas lui crier : « Être simple et ignorant, ramasse tes gravures, et va en demander carrément douze cents francs dans la boutique à côté, et on te les donnera ! »

Le marchand a été inflexible… il n’a voulu lui donner que ses cent vingt francs.

Je n’ai jamais vu d’égorgement aussi féroce, accompli avec des apparences aussi bonhomme.

Le commerce ! quelle haute pensée a eu la société ancienne de le vouloir défendre à sa noblesse !

Lundi 24 janvier. — Je dîne avec les ménages Droz et Daudet.

L’auteur des quarante éditions de Monsieur, Ma-