Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/296

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Puis, s’arrêtant au milieu de son attendrissement, il dit : « Je vous dois tout cela… je suis prêt à faire tout ce que vous voudrez… à vous prêter 80,000 fr., mais… et je suis venu pour cela, c’était pour moi un devoir de vous le déclarer… je ne peux pas voter pour vous… j’appartiens à l’Internationale… je dois même travailler contre vous. »

Et le cul-de-jatte de l’Internationale se remet à pleurer, et sa douleur était sincèrement déchirante.

Dimanche 2 avril. — Comme dans notre métier d’ouvrier en création, on paye vite le succès par le malaise physique et le détraquement nerveux. Aujourd’hui, j’entendais l’heureux Daudet s’écrier sur une modulation désespérée : « Oh ! j’ai des après-midi d’une tristesse… tenez, je voudrais être une femme pour pleurer ! »

Mercredi 12 avril. — Je suis tellement souffrant, en cette fin de mars et ce commencement d’avril, je me sens si près de mourir, tous les ans, pendant la semaine sainte, que parfois je me demande si la mort du Christ n’est pas une allégorie, et si la Passion, avec ses racontars légendaires, n’est pas une personnification, à la manière antique, de l’influence homicide du vent du Nord-Est, sur le renouveau des corps et des êtres.