Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/311

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Là, il me raconte ses misères, sa jeunesse passée jusqu’à vingt ans, aux Quinze-Vingt : son père étant devenu aveugle à trente-six ans. Il a eu pour le nourrir et relever, le pain donné tous les jours aux aveugles, avec la pension de trente francs par mois. Il entremêle son récit de détails sur la vie des habitants, sur leurs habitudes, sur les mouvements d’âme de ces infirmes, sur les originaux de l’endroit, des détails enfin, avec lesquels un romancier ferait un original et neuf début d’une existence.

Et il ajoute qu’il avait conservé de cette vie, un souvenir d’épouvantement si grand, que lorsqu’il s’est vu aveugle chez Dubois, et qu’il ne savait comment il mangerait, l’idée de retourner aux Quinze-Vingt lui avait causé une telle horreur, qu’on le faisait surveiller pour qu’il ne se tuât pas.

Mardi 29 août. — Partout autour de moi, des morts subites, des coups de foudre, des vivants comme assassinés. Ce pauvre Fromentin, à notre dernier dîner de Brébant, qui eut lieu la veille de son départ, il m’accompagnait jusqu’à mon chemin de fer, et m’interrogeait sur mon roman, avec ce joli étonnement de son œil circonflexe.

Vendredi 1er septembre. — Flaubert racontait que