Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/320

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fait des confidences qu’il n’a faites à personne. Que vous dire, c’est un janséniste… il a, ne savez-vous pas cela ? un pont à son pantalon, un homme qui a un pont à son pantalon, vous concevez… sa femme, une intelligente femme au fond, est colletée jusqu’à la pomme d’Adam, avec sur la tête des couvre-chefs singuliers… elle fait faire ses robes à Maremmes, c’est tout vous dire… Ils allaient, dans le temps, aux soirées de Louis-Philippe, en omnibus, en compagnie de deux beaux-frères qui étaient des officiers de la garde nationale… vous les voyez tous les quatre, les beaux-frères avec leurs oursons, se faisant descendre devant le château, et sortant toujours des Tuileries, de façon à ne pas manquer l’omnibus de onze heures… Il a été un moment orléaniste, puis cela lui a passé, il est devenu républicain… Oui, il va à la messe, à la messe de cinq heures du matin, avec un livre de messe particulier, où il y a des prières de je ne sais plus qui… enfin c’est un janséniste… Il n’est pas bon, oh ! il n’est pas tendre, mais il faut le dire, ce n’est pas tout le monde, c’est un orateur d’une clarté, d’une ironie, d’une méchanceté… Et cependant, comme il me disait : Il n’aime pas la lutte, mais quand il est dedans, ainsi qu’il me le disait encore, il tuerait tout le monde… Quant aux choses présentes, il ne s’en doute pas. Que vous dire, il a vu Talma, et il s’est arrêté à Talma… Il se couche à huit heures… Son livre de messe particulier et Tacite, voilà tout ce qu’il lit… Vous savez qu’il a 79 ans ?