Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/323

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Samedi 25 novembre. — Ce matin, sortant de mon lit, j’ai eu un étourdissement, et si Pélagie ne m’avait pas pris à bras-le-corps et collé contre le mur, je serais tombé à terre. Toute la journée je suis resté avec une espèce de faiblesse dans la perpendicularité. Cela m’a fait un peu peur.

Lundi 27 décembre. — Tourguéneff disait que de tous les peuples de l’Europe, la musique à part, les Allemands étaient le peuple qui avait le sentiment le moins exact de l’art, et que la petite convention bête et fausse qui nous faisait, à nous, rejeter un livre, leur paraissait à eux, la gentillesse de la perfection apportée au vrai des choses.

Il ajoutait qu’au contraire, le peuple russe, qui est un peuple menteur, comme un peuple qui a été longtemps esclave, aimait dans l’art la vérité et la réalité.

En remontant la rue de Clichy, il nous parle de plusieurs projets de nouvelles, dont l’une serait les sensations dans la steppe, d’un vieux cheval ayant de l’herbe jusqu’au milieu de la poitrine.

Puis il s’arrête, et il dit : « Il y a dans la Russie méridionale des meules de foin, comme cette maison. On y monte avec des échelles. J’y ai couché plusieurs fois. Vous ne vous doutez pas ce qu’est le ciel là-bas, il est tout bleu, d’un gros bleu semé de grande étoiles d’argent. Sur les minuit, il s’élève