Page:Goncourt - Journal, t6, 1892.djvu/38

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à sa femme le soin de commander le souper, étranger aux choses qui se disent, le front pâle, penché sur son assiette, Zola fait tourner machinalement dans son poing fermé, son couteau de table, la lame en l’air. De temps en temps, une phrase qui ne répond à rien, s’échappe de ses lèvres. Et il dit : « Non, ça m’est égal, mais ça change tout mon ordre de travail. Je vais être obligé de faire Nana… Au fond, ça dégoûte les insuccès au théâtre… La Curée attendra… Je veux faire du roman. »

Et il continue à faire tourner son couteau.

Mardi 7 mai. — Parmi les gens à imagination, je suis étonné, combien il leur manque le sens de l’art, la vue compréhensive des beautés plastiques, et parmi ceux qui ont cela, je suis étonné combien il leur manque l’invention, la création : ils ne sont que des critiques.

Mardi 14 mai. — Degas, en sortant d’une maison, ce soir, se plaignait de ce qu’on ne trouve plus d’épaules abattues dans le monde. Et il avait raison : c’est un signe d’aristocratie, qui disparaît des nouvelles couches de femmes.