Page:Goncourt - Journal, t6, 1892.djvu/46

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Et le murmure de la rivière, et les fanfares lointaines des trompes de chasse se rapprochant, et les poursuites aériennes des femmes, passant brusquement de la lumière dans l’ombre, et de l’ombre dans la lumière, donnent à cette partie de plaisir dans la nuit, avec cette musique de ballade, un rien de fantastique.

Jeudi 8 août. — Voici la vie de l’aristocratie de cette petite ville. On se réunit, à quatre heures, dans un grand jardin, dont la porte reste ouverte, jusqu’à sept heures. Un joli endroit, au bord de la Seine, où sous de grands arbres ombreux, penchés sur la rivière, et portant, au milieu de leurs feuilles, des caleçons qui sèchent, l’on voit passer entre les branches, dans l’ensoleillement de l’eau, tantôt une barque remplie de robes claires, tantôt le bonnet de toile cirée et le talon rose d’une femme qui nage.

Là, viennent le Président du Tribunal, des juges, un sous-préfet dégommé, le commandant de gendarmerie, le receveur particulier, un forestier, des avoués, de petits jeunes gens, et tout le monde cancane, potine, parle de l’article du Nouvelliste de l’endroit, ridiculise le commissaire de police… Puis, le soir, dans le petit cercle, où l’on monte par une espèce d’échelle, et qui a pour garniture de cheminée de son salon, des chandeliers représentant Robert Macaire et Bertrand, en galvanoplastie, ce sont les