Page:Goncourt - Journal, t6, 1892.djvu/89

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admirations séculaires, les programmes des professeurs d’esthétique de l’Institut, toute cette vieille foi artistique, plus entêtée, plus dépourvue de criterium que la foi religieuse.

Mercredi 4 juin. — Aujourd’hui, dans mon jardin en fleurs, son petit corps maigre perdu dans sa robe à queue, Mme de Nittis parlait, tout au fond d’un grand fauteuil, où elle ne tenait guère plus de place qu’un enfant, parlait, avec des interruptions, des silences, de pâles sourires, parlait des premiers temps de son bonheur avec son mari, dans un certain carré de roses trémières, aux environs de la Malmaison, et qu’il avait fallu vendre, un jour de mauvaises affaires. Avec ce quelque chose d’appuyé et de ressenti, que les bien malades mettent dans leurs paroles, elle revenait amoureusement sur ces jours, où elle servait de modèle à son mari, du matin au soir, sur ces jours tout pleins de ses peurs de l’eau, et où cependant sans rien dire, elle posait dans un remuant bateau, en robe blanche, frissonnante du froid du coucher du soleil et de la terreur de chavirer.

Vendredi 6 juin. — La petite Mme ***, sur une polissonnerie qu’on lui dit, a un retroussement d’une seule narine, singulier, bizarre.