Page:Goncourt - Journal, t6, 1892.djvu/94

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lentinien, un arc de triomphe tombé comme un homme ivre à l’eau, et qu’on est en train de repêcher tout entier, avec ses quatre statues.

Vendredi 20 juin. — Je revenais du cimetière — c’est le jour de l’anniversaire de la mort de mon frère — et j’allais un peu vague, au milieu de gens lisant les journaux en marchant, et auxquels je ne prenais pas garde, quand, dans la rue Richelieu, un homme — c’était Camille Doucet, — élève au bout de son bras, d’un geste triste, un morceau de papier, et me le tend. J’y lis : Mort du prince impérial.

Pour cette famille Napoléon, semble revivre la fatalité antique, la fatalité attachée à la famille des Atrides.

Dimanche 22 juin. — C’est le dernier dimanche de Flaubert. Daudet apparaît un moment. Il a l’entrée anxieuse d’un être malade, qui interroge les visages. Il s’assoit. Je suis frappé de la pâleur de cire de ses mains. Alors il nous dit avoir vomi, une nuit, sans souffrance, un gros caillot de sang… que les uns disent venir des bronches, les autres du poumon.

Il s’interrompt un moment, puis reprend : « Ah ! l’imagination de la peur… celle-là, je l’ai, oui, je l’ai… C’est malheureux, ajoute-t-il sur un ton léger,