Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/124

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n’est jamais complètement associée au monsieur, avec lequel elle couche ; elle aura pour lui le dévouement dans les révolutions, les maladies, les événements dramatiques, mais en pleine existence tranquille et bonasse, l’amant d’une autre caste trouvera chez elle, le retrait, l’hostilité même intérieure d’un peuple, contre une aristocratie.

Jeudi 18 mars. — Je trouve aujourd’hui sur la porte de Robert Caze : Porte fermée par ordre de médecin. Le frère de Robert me dit que, ce matin, on lui a ouvert le côté, que le chirurgien y a introduit sa main, qu’il a manié le foie de tous côtés… et qu’il n’y a rien trouvé. Le pauvre garçon ne se doute pas de la terrible opération. Il croit, qu’on lui a fait trois piqûres de morphine.

Des cheveux annelés, un peu à la façon des cheveux-serpents d’une tête de Gorgone, l’œil à l’enchâssement mystérieusement profond, des yeux ombreux d’une sibylle dans une peinture de Michel-Ange, une beauté de lignes grecques dans un visage à la chair nerveuse, tourmentée, comme mâchonnée, et sous cette chair une cervelle qu’on sent hantée, par des pensées biscornues, perverses, macabres, ingénues, enfin un mélange de paysan, de comédien, d’enfant : c’est l’homme ; un être compliqué, mais d’où se dégage incontestablement un charme — quand ce ne serait que celui, de cette musique littéraire de son invention.