Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/163

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prend plaisir à l’esprit de la pièce. Applaudissements, rappels : tout ce qui peut faire espérer un grand succès.

Les Daudet sont le parrain et la marraine de ma pièce, et l’on soupe chez eux, où il y a quatre tables, dans la salle à manger, et une table dans l’antichambre pour les jeunes gens. Tendres et affectueuses congratulations entre moi et Porel, auquel je suis tout heureux d’apporter un succès, et qui me dit gentiment : « Vous savez, vous êtes maintenant chez vous à l’Odéon ! »

Souper égayé par la réussite de cette première, par l’espérance de cent représentations — et les imitations de Gibert, cette délicate et aiguë blague de Parisien pourri.

Vendredi 19 novembre. — Ce matin, presse exécrable. Au fond le débat est au-dessus de la pièce. On ne veut pas de faiseurs de livres au théâtre, et il y a une espèce de colère froide chez les journalistes, affiliés aux gens de théâtre, de voir des romanciers prendre possession de l’Odéon… Et cette pauvre Renée je la crois décidément assassinée !

Ce soir, je trouve Porel dans son cabinet, tout, tout seul, assis dans sa chaise curule, les bras tombés autour de lui, et qui m’accueille par ces mots : « A-t-elle été assez mauvaise la presse, le Petit Journal, le Gil Blas… C’est indigne… Ils se gardent bien d’avouer le succès d’hier… Ça tue la location. »