Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/170

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nos livres, les extraits les plus violents, les plus forcenés, les plus négateurs de notre talent. C’est bien dommage qu’un tel livre n’ait pas été fait pour tous les hommes de talent de ce siècle, à commencer par les éreintements sur Chateaubriand, à continuer par ceux sur Balzac, Hugo, Flaubert.

La chose que voit avant tout dans la littérature, un universitaire : c’est une fonction, un traitement, et c’est pour cela qu’en général un universitaire n’a pas de talent. La littérature doit être considérée comme une carrière qui ne vous nourrit, ni ne vous loge, ni ne vous chauffe, et où la rémunération est invraisemblable, et c’est seulement quand on considère la littérature ainsi, et qu’on y entre, poussé par le diable au corps du sacrifice, du martyre, de l’amour du beau, qu’on peut avoir du talent.

Et aujourd’hui, que ce n’est plus un métier de meurt-de-faim, que les parents ne vous donnent plus votre malédiction comme homme de lettres, il n’y a plus, pour ainsi dire, de vraie vocation, et il se pourrait qu’avant peu de temps, il n’y ait plus de talent.

Dimanche 12 décembre. — On parlait de titres de livres, et de la fascination des titres de livres bêtement sentimentaux sur les femmes d’en bas. À ce propos, quelqu’un raconte, avoir ramené chez lui, une fille du quartier Latin, saoule, qui, à la vue sur