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Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/18

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Américain, qui, aussitôt arrivé dans un pays qu’il ne connaissait pas, allait au cirque, payait un dîner à la troupe, s’assurant, au prix de ce dîner, un cornac, qui l’introduisait partout, et lui faisait voir tout ce qu’il y avait de curieux, là où il faisait séjour.

Dimanche 25 janvier. — Aujourd’hui Daudet et sa femme viennent me voir, viennent étrenner mon grenier. Ils restent longtemps, très longtemps, jusqu’au crépuscule, et dans le tête-à-tête et dans l’ombre, l’on cause avec une tendre expansion.

Daudet parle des premières années de son mariage, me dit que sa femme ne savait pas qu’il existât un Mont-de-Piété, et lorsqu’elle l’a su, par une certaine pudeur de la chose, ne le nommait jamais, lui jetant : Vous avez été là ? Le gentil de ceci, c’est que chez cette jeune fille, bourgeoisement élevée, il n’y eut pas le moindre effarement en cette nouvelle existence, dans la fréquentation de ce monde de mangeurs de dîners, de carotteurs de pièces de vingt francs, d’emprunteurs de pantalons.

Ah par exemple, s’écrie Daudet, la chère petite femme ne dépensait rien, mais rien du tout pour elle… nous avons encore nos petits livres de compte de ce temps-là, où à côté d’un louis pris par moi ou par un autre, il y a, çà et là, de temps en temps, seulement pour elle : omnibus, 30 centimes. Mme Daudet l’interrompt, en disant ingénument : « Je crois