Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/206

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Dimanche 1er mai. — Mes rêves sont maintenant toujours des cauchemars, et ces cauchemars se réduisent à un cauchemar unique. C’est dans un voyage en un pays vague, l’oubli de l’hôtel où je suis descendu, l’oubli et la non-retrouvaille de la chambre qu’on m’a donnée, avec la perte de tous mes effets ; un cauchemar produisant les troubles et les anxiétés les plus terribles, dans mon pauvre sommeil d’être frileux.

Je me demande, si la persistance de ce rêve, n’est pas un symptôme, une indication dissimulée d’une mémoire qui se perd.

Mercredi 4 mai. — Bertrand, ce soir, racontait une anecdote assez drôle sur Meilhac.

Meilhac se présentant à l’École polytechnique, était venu le trouver, lui demandant de convenir d’une question sur laquelle il l’interrogerait, lui déclarant que s’il se présentait, c’était uniquement pour la satisfaction de son père.

Sur l’objection, que lui faisait Bertrand qu’il serait peut-être reçu. « Oh ! il n’y a pas de danger ! » s’écriait, avec une telle conviction, le futur auteur dramatique, que Bertrand faiblissait, lui accordait sa demande. Mais le jour de l’examen, au moment où Bertrand lui adressait la question convenue, Meilhac, regardant dans la salle, disait tout haut : « Papa n’est pas là, » et ne répondant pas même à la question, s’en allait.