Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/30

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Gaulois, qui imprime en tête du journal, un appel aux républicains à resiffler ce soir, notre pièce : appel signé Charles Dupuy, l’un des signataires du manifeste, du 7 décembre 1865, dans lequel ce lettré sévère, s’exprime dans cette étonnante prose : « Nous savons chiffonner d’une main osseuse la guimpe des vieilles Muses, et nous accrocher, quand nous voulons rire, à la queue des lourds satyres, amoureux de la joie et de la folie. Est-ce une raison pour ne pas crier : Pouah, quand la fange tente d’éclabousser l’art ? Nous n’aimons pas voir sa robe s’accrocher au clou du lupanar, et toute débraillée, titubant à travers les ruisseaux, voir la Muse, le stigmate au front de l’Impudeur, s’en aller, psalmodiant des rapsodies sans nom, parmi lesquelles rien ne transpire, ni vérité, ni style, ni inspiration… » C’est drôle vraiment l’appel de ce Charles Dupuy, dans le journal conservateur par excellence. Allons, il faut qu’il y ait bataille autour de notre nom, jusqu’au bout de la vie du dernier des deux frères, et que je ne puisse, à la faveur et sous le bénéfice de mes soixante ans bien sonnés, remporter un succès, où je n’aie la bouche amère, un succès qui ne soit une meurtrissure de mon être moral. Curieuse la perpétuité de ces haines littéraires ! Elles nous ont jetés à la porte du théâtre, où certainement nous aurions fait quelque chose, et quelque chose de neuf ; elles ont tué mon frère, — et ces haines ne sont pas désarmées.

Au fond, cet article du Gaulois me donne le trac. Car si ce soir, il y a quelques sifflets, avec tout ce