Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/316

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les yeux, à tout ce qui leur tombe dessous. Il y a à vingt pas d’ici, une crémerie qui, d’après des photographies, qu’on ferait peindre par un peintre de charcutier, donnerait un décor cent fois plus réel. Mais la réalité du décor dans les pièces modernes, semble aux directeurs de théâtre, sans grande importance.

Réjane est admirable par son dramatique, tout simple, tout nature. Un moment, elle parle de la force nerveuse, que donnent les planches, et de sa crainte de jeter dans l’orchestre, la grande Adèle, quand elle la bouscule, à la fin du tableau des fortifications. À ce sujet, elle raconte, que jouant avec je ne sais plus qui, elle s’étonnait d’avoir les bras tout bleus, et qu’elle avait reconnu, que ça venait d’un petit coup de doigts, qu’il lui donnait à un certain instant.

Le théâtre, un endroit particulier pour la fabrication des imaginations anxieuses, peureuses. Je ne sais pourquoi, aujourd’hui, ma pensée va à la censure, à son veto, et j’interroge les attitudes des gens, les réponses qu’ils font à des questions quelconques, et malgré moi, j’y cherche des dessous ténébreux, confirmant ma pensée.

Je descends jusqu’au boulevard, avec Dumény, qui me montre des lithographies de Gavarni, ad usum Jupillon, qu’il tire de sa poche, et me parle de la manière de se faire une bouche méchante, en la dessinant, dans le maquillage, de la minceur d’une bouche de Voltaire, et la relevant d’un rictus, dans un seul coin.