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Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/32

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tueuse d’une maison amie, et nous dînons sur le bout de la table, où déjà est dressé le souper donné en l’honneur de la reprise d’Henriette Maréchal.

Je laisse les Daudet entrer tout seuls à l’Odéon. Moi, j’erre autour du bâtiment lumineux, éclairé a giorno, sans oser y entrer, attendant la fin du premier acte que je redoute, songeant à la princesse qui est dans l’avant-scène, et que je m’imagine insultée, engueulée, dans ces bouffées de bruit qui jaillissent, par instants, des portes et des fenêtres fermées du théâtre. Enfin je n’y peux tenir, après dix tours de l’Odéon, je me décide à pousser la porte battante de l’entrée des artistes, je monte l’escalier, demandant à Émile :

— Est-ce qu’elle est bonne, la salle ?

— Excellente !

La réponse ne me rassure qu’à moitié, et je descends encore pantelant dans les coulisses, où le bruit brisé des applaudissements me semble, dans le premier moment, des sifflets. Mais ce n’est qu’une seconde que dure cette impression. Ce sont vraiment bien des applaudissements, des applaudissements frénétiques sur lesquels tombe la toile du premier acte.

Et les autres actes, la pièce marche admirablement, avec cependant un tantinet de froideur au second acte, qui avait été le succès de la répétition générale, mais avec une ovation enthousiaste au troisième.

La princesse qui m’a fait demander, et que j’ai re-