Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/66

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la première fois, j’ai ressenti comme une espèce de peur de mon isolement.

Lundi 20 juillet. — C’est curieux l’habitude, que la petite Blanche semble avoir prise de l’hôpital. Trôler dans l’immense bâtiment, s’asseoir sur la chaise au pied du lit des fillettes de son âge et causer avec elles, aller jeter de l’eau bénite sur le corps d’une morte : c’est devenu une vie presque distrayante pour elle. Défendue par son égoïsme de malade contre l’horrible de ce qui se passe autour d’elle, la petite écrivait ces jours-ci à sa mère : « La poitrinaire no 5 est morte hier soir à onze heures, et maintenant elle est à l’amphithéâtre. Figure-toi, que Jules m’a apporté deux pêches : c’est le cas de dire que je ne savais pas, si c’était du lard ou du cochon. »

Mardi 21 juillet. — Nous avons à notre dîner de Brébant, un dîneur, qui serait un gros monsieur dans l’Instruction publique. Si la marque de fabrique du Parisien intelligent est d’être dépossédé de l’étonnement, celui-ci par contre, en a gardé toute la virginité. Je m’amusais de l’ahurissement de ce monsieur très fort, quand Berthelot affirmait qu’il se vendait cent fois plus d’eaux minérales, que les sources ne