Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/76

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dîner, tous deux partaient pour le spectacle, mais au moment où ils passaient au contrôle, Delpit disparaissait. Ganderax courait à l’hôtel et le trouvait avec un flacon de chloral ; Ganderax jetait le flacon dans un pot de chambre, et dans le premier moment d’exaspération, Delpit le menaçait de lui flanquer des coups.

Une autre fois, il va avec lui à Divonne. En arrivant, Delpit de dire au directeur :

— Monsieur, je vous demande de me mettre dans l’impossibilité de prendre du chloral.

— Ce sera bien facile, reprend le directeur, c’est moi qui suis le pharmacien.

On n’avait pas pu leur donner une chambre dans l’établissement, et ils habitaient chez un boulanger, où ils étaient, tous les jours, réveillés à deux heures du matin par l’enfournement du pain. Sur la menace de Delpit de s’en aller, le directeur leur fait dresser deux lits, dans une chambrette attenant au cabinet de consultation. Un soir que Delpit s’était retiré de bonne heure, sous le prétexte qu’il était fatigué, Ganderax venant se coucher, trouvait son camarade de chambre, au milieu de la petite pièce, en chemise, sa table de nuit renversée, et titubant et bégayant, complètement ivre de chloral. Le lendemain il disait à Ganderax qu’il s’était grisé avec du chloral qu’il avait fait acheter à Genève.

Mais quelques jours après, Delpit faisant la reconduite à Ganderax qui rentrait en France, lui avouait que le chloral en question était du chloral volé à la