Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/82

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Ici un oratoire roman, là une fenêtre ornée d’un encadrement de la Renaissance, plus loin un fronton de prêche protestant, plus loin encore, une citerne de château fort du XIVe siècle, et tout en haut d’un escalier, où il ne reste plus une seule marche, une petite porte presque bouchée par deux arbres, poussés d’une semence, portée par le vent sur la pierre du seuil. À se promener là dedans, vous êtes pris, empoigné, emporté de votre temps par le passé moyenâgeux, comme vous êtes pris par le passé romain, en errant dans les via de Pompéi, et en marchant dans l’ornière de ses chars.

Partout l’abandon de la ruine, et comme spécimen de la vie vivante dans toute cette pierre morte, quelques vieillards desséchés, quelques jaunes enfants, des chats maigres : une pauvre et rare création d’êtres et d’animaux bancroches.

Et le sinistre de la cure, qui est une cure de pénitence pour les curés qui ont péché, et dont l’avant-dernier locataire a assassiné le mari de la femme de son bedeau, dont il était l’amant, et la tristesse du jardin de cette cure, planté de quatre amandiers malades entre quatre hauts murs, et qui ne semble pas un jardin, mais un cimetière.

Partout, des parapets de la haute solitude, les successifs développements d’horizons sans fin, dans la contemplation mélancolique desquels, il semble que le temps n’est plus une durée, limitée par des heures. Et je me demandais, si la vie dans ces conditions de solitude et de planement à vol d’oiseau, ne