Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/140

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Et les regardant aujourd’hui, et les voyant : l’une arrêtée à 6 heures et quart ; une autre à 9 heures ; une autre à midi et demie : ces heures m’intriguent ; je me demande, si ces heures sont des heures tragiques dans la vie de celles qui les ont possédées, et si elles racontent un peu de la malheureuse histoire intime de ces femmes.

Samedi 1er février. — Une après-midi, passée avec les Daudet, chez Tissot.

À notre entrée le bruit terrestrement céleste d’un orgue-mélodium, dont joue l’artiste, et pendant qu’il vient à notre rencontre, les regards soudainement attirés par un trou illuminé, devant lequel est une aquarelle commencée ; un trou fait dans l’ouverture d’une étoffe jouant la toile levée d’un théâtre d’enfant, et dans lequel se voit figurée par de petites maquettes, une scène de la Passion, éclairée par une lumière semblable aux lueurs rougeoyantes éclairant un Saint-Sépulcre, le soir du Vendredi Saint.

Puis aussitôt commence le défilé des cent vingt-cinq gouaches, dont Tissot fait le boniment à voix basse, comme on parle dans une église, avec parfois, détonnant dans sa parole religieuse, des mots d’argot parisiens, disant d’une étude de la Madeleine encore pécheresse : « Vous voyez, elle est un peu vannée ! »