Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

société, de la correction de la mise, de la simplicité élégante de la toilette des grandes cocottes… « Oui, oui, me répondait-elle, il y a du vrai dans ce que vous dites… Tenez, moi, quand je me suis mariée, je connaissais très peu, même par les livres, le monde interlope… Eh bien, quand mon mari me menait au théâtre, — nous prenions en général des places de balcon, — bientôt je le voyais jeter un regard sur ces femmes dans les loges… Et comme j’ai toujours eu le sentiment de l’élégance, ces femmes je les trouvais mieux mises que moi… Car vous savez, il n’y a pas seulement la question d’argent, il y a une éducation pour la toilette… et en me comparant à elles je me trouvais une petite provinciale… Puis le regard de mon mari, après être resté là, un certain temps, revenait des loges à moi, un rien méprisant, et avec quelque chose de grognon sur la figure… et ça se passait en général aux pièces de Dumas, qui étaient la glorification de ces femmes… Alors aux parties dramatiques de la pièce… je pleurais… je m’en donnais de pleurer… si bien que mon mari, qui après le spectacle, aimait à entrer chez Riche ou chez Tortoni, me jetait de très mauvaise humeur : “Avec des yeux comme vous en avez, c’est vraiment pas possible de s’asseoir dans un café.” »

Mercredi 14 mai. — Me voici au vernissage, où je n’ai pu refuser le déjeuner immangeable, auquel se