Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/169

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Mercredi 4 juin. — Lavisse répétait devant moi, ce soir, une phrase à peu près dite ainsi par Bismarck à quelqu’un de sa connaissance : « J’ai cru que j’en étais arrivé à l’âge, où l’existence de gentilhomme campagnard remplit notre vie… Non, non, je m’aperçois que j’ai encore des idées, que je voudrais émettre… je ne ferai pas d’opposition… seulement si on m’attaque, je me défendrai… parce que lorsque l’on me bat, il me faut battre ceux qui me battent… ou sans ça, je ne peux pas dormir, et j’ai besoin de dormir. »

Jeudi 5 juin. — Déjeuner chez le père La Thuile qu’a choisi Antoine, pour la lecture de la Fille Élisa, pièce faite entièrement par Ajalbert, d’après mon roman. Ah ! quel vieux cabaret, avec ses garçons fossiles, et ses déjeuneurs qui ont l’air des comparses des repas de théâtre. Ah ! c’est bien le cabaret figurant dans la gravure de l’attaque de la barrière Clichy, en 1814, et qu’on voit encadrée dans le vestibule.

Après la lecture de la pièce, Ajalbert m’entraîne chez Carrière qui habite tout près, à la villa des Arts. Une composition très originale, la grande toile esquissée pour Gallimard, et représentant le paradis du théâtre de Belleville : cette grande toile faisant le fond de l’atelier, et où les personnages s’arrangent admirablement dans le croisement des courbes hémicyclaires de la salle.