Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/237

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Dimanche 12 avril. — Ce soir, à dîner, la conversation est allée, je ne sais comment, au Neveu de Rameau, et témoignant mon admiration pour cette merveilleuse improvisation dans cette langue grisée, avec ces changements de lieux, ces brisements de récits, ces interruptions brusques et soudaines de l’intérêt, je comparais ce livre, au livre de Pétrone, au festin de Trimalcion, avec ses trous, ses lacunes, ses pertes de texte.

Je trouvais Daudet triste, très triste, et il me disait que tant qu’il a eu des jambes, tant qu’il pouvait aller, marcher, quoi qu’il pût craindre, il y avait chez lui une tranquillité d’esprit, parce qu’il tenait si peu à sa peau… mais que maintenant, il se sentait mal à l’aise moralement, inquiet, tourmenté par l’idée de ne plus se sentir le défenseur de sa maison, le protecteur des siens.

Mercredi 15 avril. — Paul Alexis, de retour de sa province, vient m’apporter un exemplaire sur papier de Hollande de Madame Meuriot. Le pauvre garçon n’a pas hérité. Le peu qui lui est échu de son père, il l’a laissé à sa mère, et le voilà condamné, le paresseux et lambin plumitif, à gagner sa vie ainsi qu’auparavant.

Il m’entretient de ses projets littéraires. Il veut d’abord sous le titre du Cousin Tintin, faire une nouvelle, puis une pièce pour Baron, de l’histoire d’un