Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/276

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chasse-mouche à la droite du roi ; — c’est « le favorisé du roi et le cher à son cœur » ; — c’est le compagnon des jambes royales du seigneur des deux Pays.

Et je m’arrêtais à de plus humbles représentations, à celle de « l’écrivain de la maison des chanteuses » et aussi à celle de cet humble fonctionnaire de l’intérieur, Se-Kherta, qui dit : « J’ai donné de l’eau à celui qui avait soif et des vêtements à celui qui était nu. Je n’ai fait aucun mal aux hommes. »

Et pendant que j’appartenais tout à la lecture de ces biographies de pierre, et qu’il se faisait cérébralement en moi le transport qui se fait, à la lecture d’un livre, parmi les personnages et les milieux de ce livre, je n’étais plus de mon temps, je n’étais plus à Paris. Il me semblait, d’après la belle imagination de Carlyle, avoir été jeté de par l’espace et le temps, dans une de ces étoiles lointaines, lointaines, lointaines, où arrivait seulement aujourd’hui la lumière qui éclairait le passage de la mer Rouge sous Ramsès II, et sa vision en retard de milliers d’années.

Mais la grande clarté de midi avait envahi la salle du rez-de-chaussée, me faisant trop matériellement visible, ce que je me plaisais à voir dans le vague, l’indéterminé, la pénombre d’une espèce d’hallucination. Alors, au milieu du grand escalier montant au fond de la salle devant moi, il y avait un pan d’ombre attirant pour ma rêverie. J’y allai, me retournant à la moitié des marches, pour jeter d’en haut un